vendredi 14 décembre 2007

Agro-alimentaire et chantage publicitaire





Les deux chaînes du service public se sont une fois de plus couchées devant les pressions des gros industriels de l'agro-alimentaire, et au détriment des plus petits. Première preuve hier soir, dans Envoyé Spécial, avec un reportage consacré aux acides-gras trans, ces graisses cachées dans nos produits de grande consommation.

"Enquête Acides gras trans, le risque invisible
Une enquête de Frédéric Boisset, William Reymond et Luc Hermann.
Les acides gras trans, nous en mangeons chaque jour. On en trouve à l'état naturel dans les viandes et les produits laitiers, en petites quantités.Une équipe d'Envoyé Spécial s'est intéressée aux acides gras trans artificiels, créés en laboratoire par les industriels de l'agro alimentaire. Ils sont partout : grâce à ces graisses trans les frites sont plus croustillantes, les pâtisseries sont plus fondantes, les pâtes plus moelleuses. Ces graisses sont faciles à produire et bon marché. Un rêve d'industriel.Mais ces acides gras trans sont nocifs pour nos artères. Dans le monde entier, des scientifiques tirent la sonnette d'alarme. Si on en consomme trop, le risque de maladies cardiaques augmente. Aux Etats Unis, c'est un problème de santé publique. En France rien ou presque. Pourtant, 2 millions et demi de personnes en mangent trop, sans le savoir. 10% des garçons âgés de 12 à 14 ans en consomment autant que les petits Américains." Site d'Envoyé Spécial

Parmi les produits montrés du doigt, Savane, de Brossard. L'équipe d'Envoyé Spécial a même retrouvé, malgré l'absence de coopération de la marque, leur fournisseur en acides gras trans. Et les responsables de cette entreprise belge avaient du mal à répondre aux questions des journalistes, le malaise était palpable et les retombées sur la marque peuvent être énormes. On peut difficilement imaginer qu'un tel reportage à une heure de grande écoute n'ait aucune répercussion, ni sur la société ni a fortiori sur son cours de bourse, à cours et moyen terme.

On peut s'étonner du fait qu'une chaîne de service public française choisisse de s'acharner sur une entreprise française, plutôt que sur une entreprise, au hasard, américaine, alors que celles-ci sont bien plus responsables de l'obésité dans le monde et en France. Notamment, à un moment du reportage la marque Twix était floutée, alors qu'il s'agit d'une production américaine (groupe Mars). Pourquoi dès lors ne pas avoir flouté Brossard ? Sans doute parce que le chiffre d'affaire de Brossard se chiffre en millions d'euros, alors que celui du groupe américain auquel Twix appartient se chiffre en milliards d'euros. La puissance publicitaire de Mars étant là aussi très largement supérieure à celle de Brossard.
Pourquoi avoir dépeint les USA comme "très en avance sur la France", alors que leurs produits en France contiennent aussi des acides gras trans ?

Globalement s'il faut reconnaître l'utilité d'un tel reportage, on peut regretter le manque de patriotisme économique d'une chaîne financée par la France et les Français, et sa soumission par rapport aux intérêts des plus grosses entreprises au détriment des plus petites (Brossard compte 200 personnes environ).

De son côté France 3 a fait pire, en censurant carrément une de ses émissions sous la pression d'un chantage publicitaire.

"France 3 craint la colere de Lactalis - Confidentiels - Lepoint.fr.
«La chaine publique annule la diffusion de la dernière émission d' On peut toujours s'entendre , prévue samedi 15 décembre. Le thème : la "guerre du camembert". Au cours de ce programme devait être évoquée la menace que le lait "thermisé" fait peser sur le lait cru.
Echaudé par la prochaine diffusion d'un documentaire intitulé Ces fromages qu'on assassine prévu en prime time le 26 décembre, Lactalis, premier groupe fromager européen, avait déjà menacé France 3 de suspendre ses achats d'espaces publicitaires.
En annulant la diffusion de l'émission du 15 décembre, la chaine a donc jugé opportun de ne pas jeter de lait sur le feu.»... "

Addendum 17/12 : l'émission sur Lactalis a finalement été diffusée le 15.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord avec vous aussi, je souhaite élargir le débat.

L'humanité s'auto-détruit au nom du profit économique des grands groupes industriels (empoisonnement agro-alimentaire, pollutions diverses et variées, réchauffement climatique, trou dans la couche d'ozone, exposition abusive de nos corps aux ondes liées à la téléphonie mobile, au wifi, et j'en passe..)

Les médias participent à la désinformation car eux aussi sont partie prenante de la grande foire capitaliste et de cette consternante course à la richesse quelles qu'en soient les conséquences...

Cette situation perdurera tant que la santé publique et écologique ne sera pas prioritiaire sur l'appétit financier des puissants.

L'unique salut passe donc par une série de réglementations draconiennes et sans compromis, imposée à tous les industriels sans exceptions.

La solution est donc politique mais la mondialisation ne joue pas en sa faveur. Il semble clair que les dirigeants de chaque pays défendent logiquement les intêrets de l'industrie nationale.

Dans un but de compétitivité de marché, les gouvernements ne prèférent donc pas imposer de nouvelles normes dont la mise en place serait forcément coûteuses pour l'industrie locale qui risquerait dès lors de cèder des parts de marché aux industriels concurrents qui à l'étranger, ne seraient pas tenus de se conformer à ces nouvelles normes.

La dictature mondial du profit tire donc inéluctablemnet l'industrie vers le bas, en terme de respect de la santé publique et de l'écologie.

Il ne reste donc plus qu'à espérer la mise en place prochaine d'un influent organisme mondial de régulation et de contrôle, pour le respect de la santé publique mondiale et de l'écologie...

Mais oui...il est tout de même permis de rêver...