Ce soir, grande émission sur Outreau, 3 heures d'émission dont 2 heures de reportage et 1 heure d'interview des acquittés. Christophe Ondelatte est à la manette, c'est Faites entrer l'accusé.
Cette émission est une honte pour la télévision publique, un nouveau scandale, et je pèse mes mots.
Les corporatismes ne doutent vraiment de rien, et n'ont apparemment aucune limite.
Ces journalistes, dont la tâche est de relater les faits, et qui sont payés par chacun d'entre nous, ont fait une fois de plus le procès de la justice, qui le mérite évidemment. Mais ils n'ont pas dit un mot, pas un, sur la responsabilité des médias dans ce qui est peut-être la plus grave injustice de ce 21è siècle jusqu'à présent en France.
Au contraire, Christophe Ondelatte ira jusqu'à dire à Karine Duchochois (une des acquittés, et nouvelle journaliste sur France Info, qui a tenu des propos plutôt durs envers les médias) que le journaliste du Figaro interviewé dans le documentaire avait compris "dès le début" que tout ça était des foutaises. En d'autres termes, il temporisait les seules paroles mettant en cause les médias par un commentaire corporatiste, d'une mauvaise foi totale, et d'un parfait cynisme.
Comment passer sous silence la responsabilité terrible, primordiale, originelle, des médias dans le scandale d'Outreau ?
Comment traiter ce sujet avec autant de complaisance, si peu de temps après les faits dont tout le monde se souvient encore ?
Comment oublier cette contre-enquête de Daniel Schneidermann et de son équipe, à l'époque où Arrêt sur Images était encore sur France 5, et qui démontrait que les médias avaient failli sur tous les plans, déontologie, présomption d'innocence, emballement, etc. Tous ces journalistes étaient pire que des chiens (pour parler comme Mitterrand à l'enterrement de Bérégovoy), c'étaient des vautours, avides de chair fraîche, pour leur article, pour leur scoop, pour leur carrière.
Pas une seule fois les médias ne sont mis en cause pendant ces 3h, sauf une fois, très furtivement, avec ces noms d'accusés "publiés dans la presse" (en fait lâchés en pature à l'opinion est une expression qui aurait mieux convenu). Malgré cette affaire et la commission d'enquête sur Outreau qui a démontré que les médias avaient clairement abusé de leur pouvoir dans cette affaire, la principale chaîne publique ne tire aucune conséquence et commet à nouveau les mêmes erreurs. Bref, si un nouvel Outreau arrivait, mais d'une manière différente, ils referaient la même chose. Je rappelle qu'il n'y a eu absolument aucune sanction de journaliste ni de médias dans cette affaire. Aucune.
Christophe Ondelatte, pour ne parler que de lui, fut absolument pitoyable, allant jusqu'à demander à un avocat présent sur le plateau (Me Dupont-Moretti) si une proposition de changement de la procédure contradictoire le "branchait". Ce niveau de vocabulaire est indigne d'un journaliste qui se veut de haut niveau, et de haut niveau de rémunération également. C'était son rôle de décider des thèmes traités pendant la soirée, dans le documentaire et dans le débat, et il choisit de faire disséquer la justice française, "quelle est la responsabilité des juges, le juge Burgaud est toujours en fonction, le procureur Lesigne est toujours en fonction, et tout cela risque de se finir par un simple blâme" dit-il à un moment. Mais rien sur les médias. A croire qu'ils n'existaient pas au moment de l'affaire d'Outreau. Pourtant, Christophe Ondelatte finit l'émission sur cette phrase : "un de nos deux objectifs était que les conclusions du rapport sur Outreau ne tombe pas dans l'oubli". Or nombreux, très nombreux furent les journalistes, et même Dominique Baudis, en tant que Président du CSA, à avoir été entendu dans cette commission parlementaire.
Je suis évidemment outré par Outreau, mais je suis encore plus outré par la télévision de service public qui, sur la base de l'émotion, arrive encore une fois à se servir de cette affaire pour faire de l'audience, comme elle en avait fait à l'époque de l'affaire, sans se mettre une seule seconde en cause, et formuler le moindre méa culpa, en son nom ou au nom des médias.
Les médias sont tout-puissants, mais aussi au-dessus des lois et des autres pouvoirs.
Sir Karl Popper, un des plus grans épistémologues de l'Histoire, a inventé un concept : l'incriticabilité. Selon ce concept, reconnu aujourd'hui comme une des bases de l'épistémologie, une science qui n'est pas criticable n'est pas une science. De même, un système politique qui n'est pas criticable n'est pas démocratique. Dans cette optique, vu le pouvoir immense des médias et leur incriticabilité de fait, on peut légitimement affirmer que le système politique actuel n'est pas une démocratie.
1 commentaire:
Drole d'arrangement avec la réalité que ce politico-médiatiso-judiciaire !
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