dimanche 13 janvier 2008

Malaise autour de l'arche de Zoé



"Malaise. Voilà le mot qui vient le plus spontanément à la bouche à la vision des trois reportages de l'émission "Pièces à convictions" du 6 janvier 2008 consacré à la rocambolesque affaire de l'Arche de Zoé. Malaise devant certaines images absolument terribles pour ces femmes et ces hommes récemment condamnées par la justice tchadienne. Une séquence revient plus particulièrement hanter l'esprit du téléspectateur. Il s'agit de cette scène ahurissante où Emilie Lelouch, la plus proche assistante d'Eric Breteau, inspecte avec minutie la dentition d'un enfant... Cette vision terrifiante d'une femme blanche plongeant son regard dans la cavité buccale d'un gamin noir restera sans doute dans l'inconscient collectif (en partie pour des raisons irrationnelles) comme la marque ultime de la culpabilité de cette bande de pieds-nickelés. Autre passage "accusateur" : Emilie Lelouch menace une mère de ne pas lui rendre son enfant, si celle-ci "abandonne" son bambin à nouveau. Il est important de signaler ici que l'association l'Arche de Zoé, rebaptisée sur place Children rescue, s'était engagée à ne ramener que des enfants orphelins... De plus, cette mère pensait que son enfant ne lui était retiré que provisoirement et ne l'avait accepté que dans l'unique espoir de voir celui-ci bénéficier de soins et de meilleures conditions de vie dans le camp de l'Arche de Zoé. Jamais un départ en France n'avait été évoqué. Eric Breteau et sa comparse sont d'ailleurs pris en flagrant délit de mensonges quelques instants plus tard quand ils osent soutenir devant les autorités tchadiennes que tous les enfants qu'ils ont accueillis sont orphelins et tous darfouris... Deux éléments qui s'avéreront très largement faux. L'écrasante majorité de ces "réfugiés" étant composée de Tchadiens et certains d'entre eux ayant un de leurs parents (au moins) encore en vie. Autre cas fréquent : ces enfants avaient été recueillis par leurs grands-parents, oncles, tantes, etc. Malaise également devant l'attitude irresponsable (désinvolte?) de certaines postulantes françaises à l'accueil de ces prétendus "orphelins". En écoutant attentivement les déclarations de quelques-unes d'entre elles (et en particulier de cette femme présente sur le plateau et dont B. I. ne rappellera pas le nom par charité), on se rend parfaitement compte que pour certains Occidentaux aujourd'hui le "désir d'enfant" (formule abusive autorisant tous les excès) n'est rien d'autre qu'un fantasme maniaque européo-centré autour de la famille. Ces intervenantes étant totalement incapables de comprendre que le terme "orphelin" ne correspond pas à la même réalité en Europe et sur le continent africain. Derrière cette nouvelle religion de l'enfant, derrière cet "infanthéïsme" (expression géniale que l'on doit au regretté Philippe Muray), c'est bien la crise démographique européenne qui se dessine en creux. Et sur ce point, aucune réflexion sérieuse n'a encore été portée. Malaise enfin pour des raisons plus politiques cette fois. Durant toute cette émission, le télespectateur a pu ressentir la désagréable impression que les équipes de France Télévisions n'ont eu de cesse de vouloir dédouaner le pouvoir en place dans ce sinistre épisode "humanitaire". Peur d'une réelle remise en cause du sacro-saint "devoir d'ingérence" défendu avec tant d'ardeur par l'actuel occupant du Quai d'Orsay ? Pourquoi n'a-t-on pas souligné par exemple que Bernard Kouchner n'a eu de cesse depuis de nombreux mois de promouvoir un "corridor humanitaire" dans la région ? Position dangereuse qui pouvait entraîner des dérives incontrôlables et pousser des ONG à bafouer des principes aussi élémentaires que la souveraineté nationale et territoriale. Dans le même ordre d'idées, on s'étonnera aussi du silence de France Télévisions sur la faillite morale des autoproclamées "grandes consciences" françaises, BHL et Glucksmann, toujours si prompts à dénoncer des "génocides" souvent largement exagérés. Seul Rony Brauman, une fois encore, avait su faire preuve de modération en rappelant cette évidence simple dans l'édition de Libération du 15 mars 2007 :"Un génocide ? Ce n'était pas l'enjeu de cette guerre. A aucun moment, les dirigeants soudanais n'ont tenu des propos évoquant l'idée de détruire un groupe donné. Ils veulent marginaliser ce peuple et le garder sous la botte, c'est indiscutable. Mais pas l'exterminer". Bruno Guigue, diplômé de l'ENS et de l'ENA, chroniqueur de politique internationale, mettait en garde le 27 mars 2007, toujours dans Libération, contre les "faux-amis" des Darfouris : "Les partisans enthousiastes de la 'solution militaire', outre qu'ils comptent sur les autres pour se faire trouer la peau, sont pour le Darfour de véritables 'faux amis'. Cumulant les infortunes, la population du Darfour voit ainsi s'ajouter à ses misères l'encombrant soutien de ceux qui applaudirent aux massacres israéliens en Palestine et au Liban, s'extasièrent sur les prouesses des B 52 en Irak, et considèrent toujours Abou Ghraib et Guantánamo comme de simples commissariats de police. La seule solution au conflit est politique. Le Darfour n'est pas un Etat indépendant, mais une région du Soudan. Toute démarche reposant sur le déni de la souveraineté nationale soudanaise conduira à une impasse". Derrière ce fiasco retentissant, c'est donc bien l'idéologie BHL-Kouchner-Glucksmann - qui a déjà fait tant de dégâts - qui boit la tasse. Mais de cela non plus, il ne sera nullement question durant les deux heures de "Pièces à convictions". Enfin, il est tout simplement incroyable que les équipes de France 3 ainsi qu'Elise Lucet n'aient pas plus parlé des liens très étroits existants entre Biotech et l'Arche de Zoé. En effet, François Sarkozy, frère de qui-vous-savez, fait partie du comité d'évaluation de Biotech. D'où sans-doute cette relative discrétion concernant cet épineux problème... "
Maurice GENDRE.

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