mardi 8 janvier 2008

Sarkozy fait un cadeau en or aux chaînes privées


Sarkozy l'a annoncé ce matin, alors qu'il ne l'avait jamais évoqué auparavant : il va supprimer la publicité sur France Télévisions. Le choix du prince, donc, validé par aucune élection. Lui qui se gargarise tant des décisions dont il avait prévenu les Français lors de la campagne, en voici une qui a surpris tout le monde.

Tout le monde ? Pas sûr... Les chaînes privées, au premier rang desquelles TF1 (aussi surnommée mesquinement TS1 pour Télé Sarkozy 1er), étaient sans doute mises au parfum depuis bien longtemps, car cette décision les favorise outrageusement. En effet, la première conséquence de l'arrêt de la publicité sur France Télévisions est de transférer les sommes astronomiques de l'investissement publicitaire du service public vers le service privé. Et la petite taxette qu'annonce Sarkozy ne sera jamais à la même hauteur que ce gain énorme pour la télé privée en France.

Dès lors, nombre de questions se posent.
Et d'une, pourquoi appliquer cette décision uniquement à la télé, et pas à la radio ? Radio France c'est aussi un média de service public, donc il n'y a pas de raison de faire un deux poids deux mesures.

Et de deux, qu'est-ce qui va réellement compenser cet arrêt de la publicité, qui concourrait pour 50% (50%!) environ des recettes de la télé publique ? Ont été évoquées par le chef de l'Etat deux taxes : une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées, et une taxe infinitésimale sur le chiffre d'affaires de nouveaux moyens de communication, comme l'accès à internet ou la téléphonie mobile.
La redevance n'augmentera donc pas a priori, mais les surprises ne manquent pas dans le domaine comme on vient de le constater.

Et de trois, Patrick de Carolis a-t-il encore quelque légitimité à la tête du groupe ? Lui qui n'avait cessé de demander toujours plus de publicité, et d'annoncer chaque rallonge publicitaire (dans les émissions de flux notamment) comme une victoire, que trouve-t-il à répondre ce matin ?
« Depuis ma prise de fonctions, en août 2005, nous avons souhaité mener une nouvelle politique éditoriale, mettant fortement l’accent sur la culture et la création (…) et fondée sur le mariage entre la qualité et l’audience (…) A plusieurs reprises, depuis deux ans, j’ai demandé à notre actionnaire une clarification de notre mode de financement (…) Cette clarification est aujourd’hui faite. Elle valide notre stratégie éditoriale. Elle va permettre de renforcer encore l’identité du service public ». Le ridicule ne tue pas, en voici une nouvelle preuve.

Et de quatre, l'audience va-t-elle rester une priorité du groupe France Télévisions ?
En effet, ce qui permet de justifier une course à l'audience, c'est d'abord et avant tout le modèle publicitaire. Verra-t-on plus d'audace dans les choix de reportages, plus de différences entre le JT de 20h de TF1 et celui de France 2, plus d'enquêtes sur les entreprises et les médias ?

Autant de questions que pose sans le vouloir la 1ère émission en ligne d'Arrêt sur images, à laquelle je vous renvoie (si vous êtes abonné, sinon abonnez-vous). Le sujet en est les deux reportages consécutifs de France 3 sur le camembert et le lait cru, avec des enquêtes mettant en cause le géant Lactalis comme nous en parlions.
Et bien lors de cette émission, on a bien vu ce que la suppression de la publicité permettrait en théorie, à savoir une plus grande liberté de ton et d'enquête sur les pouvoirs économiques, ces pouvoirs étant devenus les premiers censeurs selon les personnes présentes sur le "plateau" de la nouvelle émission. Et Elisabeth Lévy, l'une d'entre elles, de se fendre d'un prémonitoire "Il faudrait supprimer la publicité sur le service public, et quadrupler la redevance."

On voit bien que les sommes rapportées par la publicité à France Télévisions étaient énormes, et qu'il va falloir trouver autre chose que les mesurettes annoncées pour espérer compenser. A moins qu'il y ait autre chose au programme, mais qu'on ne l'apprenne que plus tard, ce qui ne serait pas la première fois avec Sarkozy.
En tout cas nous sommes à un tournant pour la télévision publique, et moi qui expliquais dans mon livre qu'il convenait d'en baisser les recettes publicitaires, je m'en réjouis pour l'instant, mais reste vigilant sur la suite des événements car rien ne dit qu'un mal disparaisse forcément pour un bien. Ce qui pourrait paraître inquiétant, c'est qu'on passe brutalement d'un extrême à l'autre, et moi les extrêmes, je n'en suis pas plus friand que cela.

3 commentaires:

Jean Robin a dit…

.Les propositions de Sarkozy dopent les cours de medias comme TF1, M6 ou Lagardere par Neteco.com.

«Renvoi d'ascenseur ? A l'occasion d'une longue conférence de presse organisée ce matin à l'Elysée, le président de la République Nicolas Sarkozy s'est prononcé pour une refonte du financement de la télévision publique, qui abandonnerait la publicité au profit d'une " taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaines privées" ou d'une "taxe infinitésimale sur les chiffres d'affaires des nouveaux moyens de communication comme l'accès à internet ou la téléphonie mobile". La perspective d'abandonner la publicité est plutôt bien accueillie chez France Television.
«Cette orientation claire, donnée par notre actionnaire, entraine évidemment de nombreuses conséquences pour le groupe France Télévisions, car elle modifie profondément notre modèle économique.
[... ] Cette clarification est aujourd'hui faite. Elle valide notre stratégie éditoriale. Elle va permettre de renforcer encore l'identité du service public, en confortant le travail mené depuis deux ans et que nous souhaitons amplifier.» a commenté Patrick de Carolis, président de France Télévisions.»...

http://www.neteco.com/90416-propositions-sarkozy-dopent-cours-medias-tf1-m6-la.html

Anonyme a dit…

PME-PMI : « Sarko m’a tuer »
L’arrêt de la pub TV sur les chaînes publiques = L’arrêt de mort des Marques des PME-PMI.

Bravo ! Monsieur le Président, vous avez raison, c’est le moment de planter un poignard dans le dos des PME-PMI françaises et de les empêcher de défendre leurs Marques face aux deux énormes dangers qui menacent leur existence même : les Marques mondiales surpuissantes et les Marques d’enseignes d’hypermarchés (les MDD/Marques De Distributeurs).
Bravo ! C’est le moment de priver les Marques petites et moyennes de la seule publicité télévision aux tarifs « accessibles et raisonnables » (en publicité nationale et régionale via les seuls écrans disponibles en région de F3) qui leur permettaient de promouvoir leur notoriété et leurs produits pour les faire connaître du consommateur. Afin de tenter de résister aux « rouleaux compresseurs » des NESTLE, DANONE, L’OREAL, PROCTER& GAMBLE, UNILEVER et autres marques mondiales disposant de budgets publicitaires TV surpuissants, qui veulent s’imposer au détriment des Marques moins puissantes et riches.
Bravo ! C’est le moment en ce début 2008, marqué par des pressions et menaces d’une violence jamais atteinte de la part des Grands Distributeurs à l’égard des fournisseurs industriels (cf l’avalanche de déclarations guerrières de LECLERC par dizaines de pleines pages de pub presse ) qui refusent obstinément de répercuter l’explosion des coûts des matières premières pesant gravement sur les comptes d’exploitation des industriels. Et qui veulent en profiter pour réduire drastiquement le nombre des Marques en rayon pour imposer leurs propres marques (MDD). Travail facilité par l’ouverture de la publicité TV à la Grande Distribution… depuis début 2007.

Au moment où on accorde la publicité télévision aux chaînes d’hypermarchés on ne trouve rien de mieux à faire que de quasiment « l’interdire » aux PME-PMI !

Bravo ! C’est le moment où on a un besoin vital de relancer l’activité économique et l’emploi à tous les niveaux de l’économie, qu’on décide de livrer ces milliers de PME-PMI « pieds et poings liés » à TF1 et M6 qui pratiquent des tarifs publicitaires quasiment inaccessibles déjà aujourd’hui. Gageons que face à une « pénurie de l’offre publicitaire télé » créée par cette décision, leurs tarifs à venir vont « s’envoler » (pourquoi ces deux chaînes privées se priveraient-elles, faute de concurrence réelle ? Et qu’on ne fasse pas l’injure aux PME-PMI de leur proposer de se « rabattre » sur les petites chaînes thématiques et chaînes de la TNT incapables, pour encore quelques années, de créer un effet de demande consommateur palpable.
Depuis cette annonce brutale , les agences publicitaires, les agences médias, les annonceurs petits et moyens sont sous le choc. L’UDA (Union Des Annonceurs) vient de publier un communiqué dans lequel elle demande de reconsidérer cette décision :
(extrait) : …
« Une telle mesure, si elle devait être prise de façon radicale, entraînerait la disparition immédiate de près de 25 % de l'offre d'espace publicitaire télévision et aurait une double conséquence très défavorable pour toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes, qui ont besoin de communiquer pour promouvoir leurs produits et leurs services :
- impossibilité pour beaucoup d'entreprises d'utiliser le média télévision faute d'espace disponible suffisant sur les chaînes commerciales, même si la réglementation est assouplie, conformément à la nouvelle directive européenne en matière de publicité télévision ;
- incapacité pour un très grand nombre d'entreprises, et tout particulièrement les PME, de faire face à l'inévitable explosion des tarifs de publicité sur les chaînes commerciales… »
Alors, Monsieur Le Président, si vous voulez éviter d’assassiner des centaines de Marques petites et moyennes, prenez le temps d’écouter la voix des PME-PMI dont vous avez tant besoin pour relancer la « machine France » !

Jean-Paul Tréguer
TVLowCost
http://www.jean-paul-treguer.com/

Jean Robin a dit…

Tout à fait d'accord avec vous M. Tréguer, merci pour ce commentaire éclairant.